Projet de la mosquée de Bagneux
Analyse. Beard & Pride, vous vous souvenez ? C’est le nom insolite d’une agence de communication. Nous l’avons découverte par hasard l’an dernier pendant le mois de ramadan.
En cherchant des nouvelles cet après-midi sur cette agence de communication, nous sommes tombé sur l’une de leurs dernières productions, en l’occurrence un clip vidéo en soutien à un projet de mosquée dans la ville de Bagneux (92). Le voici.
Si le clip nous plaît, nous aimerions faire quelques remarques, en partant du cas concret de Bagneux.
La collecte par l’ultimatum
Un nouveau mode de collecte est apparu depuis quelques mois : la collecte par l’ultimatum. On l’a vu avec la mosquée de Montrouge, puis avec la mosquée de Mantes-la-Ville, suite aux élections municipales, et récemment avec une autre mosquée d’une ville de Seine-Saint-Denis, dont le nom nous échappe.
Cette collecte par l’ultimatum consiste à alerter l’ensemble de la communauté musulmane et de la solliciter en invoquant l’urgence absolue : soit on récolte une énorme somme d’argent en très peu de temps soit on perd et le bien immobilier souhaité et toute ou partie de la somme déjà investie. Si ni la sincérité des porteurs de projet ni l’urgence de la situation ne sont à remettre en cause, il faut quand même se poser des questions sur ce qui est entrain de devenir non pas une exception, mais presque un mode inéluctable de fonctionnement.
Pourquoi inéluctable ? Parce que souvent il est possible d’éviter d’arriver à de telles situations. Comment ? En agissant avec recul et prévision en amont. Aussi superbe que puisse être un bien immobilier, il n’est pas raisonnable de s’engager à l’acheter à un prix élevé si l’on n’a pas l’assurance de pouvoir se donner un délai raisonnable pour récolter l’argent. On ne peut pas se dire : je signe, puis on verra ensuite avec la oumma.
Des millions qui dorment, des banques qui s’enrichissent
Selon le site Trouvetamosquee, il y a 148 projets de mosquées en cours pour une somme engagée de 246 millions d’euros.
Certains projets ont plus de dix ans : en clair, depuis plus de dix ans, certaines mosquées collectent de l’argent auprès des fidèles et donc alimentent leur compte en banque. Cet argent dort et n’est pas fructifié. Il est évident qu’il ne s’agit pas là d’inviter les mosquées à se lancer dans des placements ribawi (à intérêts, usuraires).
Mais quand on a comme la mosquée de Bagneux 1,5 million d’euro sur son compte en banque, il n’est pas inopportun de réfléchir à investir dans des projets rémunérateurs : investir dans des entreprises à court terme (sur 5 ans par exemple), investir dans de l’immobilier à forte rentabilité comme les places de parkings, investir dans les logements étudiants, etc. Investir intelligement de sorte que l’argent soit disponible le jour où les travaux devront débuter.
Les possibilités sont peut-être moindres, mais elles existent. Il est d’autant plus important de s’y intéresser qu’un bon placement permettra, s’il est prolongé, de générer des revenus après l’achèvement de la mosquée et permettre ainsi un autofinancement, qui aura notamment l’avantage de sortir la mosquée d’une dépendance trop fréquente à l’égard du politique.
Or, ces millions d’euros dorment depuis des années dans des banques. Collectivement, les musulmans de France ont beaucoup d’argent. Ils ont même une puissance de feu qui leur permettraient de porter des projets qui profiteront tant à la oumma qu’à la communauté nationale (développement de l’immobilier, création de richesses par l’entrepreneuriat, baisse du chômage, etc.). En lieu et place, on enrichit les banques.
Une communauté solidaire, des actions solidaires
Dernier point et non des moindres. Reprenons le cas de la mosquée de Bagneux. Elle possède 1,5 million d’euros. Il lui manque 1,7 million d’euros. Cet argent existe. Il se trouve pas très loin de Bagneux, dans les villes avoisinantes, dans les départements avoisinants, plus précisément dans d’autres mosquées alentour qui elles aussi collectent depuis des années.
Ne pourrait-on pas imaginer un système qui permettrait à une mosquée qui a atteint un certain seuil (en pourcentage ?) lors de sa collecte de ponctionner une partie de l’argent collectée dans plusieurs autres mosquées pour compléter la somme qui lui manque ? On prévoirait alors pour chaque mosquée construite deux projets attenants générateurs d’argent (un cabinet médical, des appartements), qui permettrait de dégager de l’argent pour rembourser les mosquées qui ont prêté la somme manquante.
Le schéma est grossier. Il faudrait que des financiers et avocats fiscalistes se mettent autour d’une table pour penser un modèle économique viable qui sortirait les mosquées de France de cette situation sclérosée, minée par ce triste paradoxe : les associations de mosquée n’ont jamais autant d’argent dans leurs caisses. Malgré tout, elles peinent toujours autant pour faire aboutir leur projet de construction.
Là encore, ce sont des femmes et des hommes dont nous avons besoin. Pas d’une union fantasmée ou d’une décision politique. Ce sont les hommes qui changent le monde. Particulièrement ceux qui entreprennent, qui prennent des initiatives, le plus souvent à contre-courant.
L’article Mosquées de France : des millions d’euros qui dorment, des banques qui s’enrichissent est apparu en premier sur Economie islamique.